Elle arrive toute ronde et dorée, sur le tapis, à vive allure. La P'tite Gaufre vient de passer par le four. Marquée aux fers, largement quadrillée, elle s'achemine vers une autre machine qui l'ouvrira en deux et la fourrera d'un mélange à la saveur de vanille ou encore de café-chicorée, la dernière spécialité de la maison. Certaines de ces petites galettes sautent du tapis de la chaîne. Alors les mains prestes de Nathalie les remettent dans le droit chemin à bonne distance les unes des autres. Benoît Rousseau, le patron des lieux, a l'oeil bleu vif, derrière ses fines lunettes rien ne lui échappe. « C'est une sécurité pour qu'elles ne soient pas trop proches », explique-t-il aux béotiens que nous sommes, frappés surtout par la vitesse du tapis et le vacarme qui nous assaille dès l'entrée de cette longue pièce. « Oui, c'est des machines à pression d'air, ça fait clac clac clac, des bruits très secs, et ça résonne en plus avec le carrelage », poursuit Benoît Rousseau qui nous rassure sur la pénibilité de ce travail : « On ne laisse pas le personnel plus de deux heures d'affilée à ces postes. » Et ceux qui le souhaitent portent un casque. C'est le cas de Sylvie qui, en bout de chaîne, rassemble ces P'tites Gaufres dans leur logement de plastique.
La fabrication a beau être industrielle, l'odeur irrésistible de vanille qui flotte dans l'atelier réveille des souvenirs d'enfance... La cuisine de grand-maman, les jours de Nouvel an, les goûters avec les copines... C'est exactement ce que souhaite Benoît Rousseau, qui a lui-même été conquis ainsi par ce produit. Bien sûr il ne dévoilera pas ses recettes, pas plus qu'il ne s'attardera sur les machines et le temps record de fabrication qui lui permet de produire deux tonnes de gaufres par jour au gré des commandes. Les concurrents ne sont jamais loin et la contrefaçon rapide.
Benoît Rousseau rentre de Shanghai où il a fait escale au pavillon français de l'exposition universelle et, bien sûr, au stand de notre région. « J'ai même été déguster une gaufre de chez Méert », ajoute-t-il, beau joueur. Mais ce n'est pas ses gaufres fourrées, pourtant l'essentiel de sa fabrication, qu'il a apportées en Chine. Ce sont les gaufrettes salées, une de ses innovations dont le nom évoque à la fois un blason et une monnaie sonnante et trébuchante. « J'espère, la prochaine fois, que je n'aurai pas à les amener, qu'elles y seront déjà », glisse-t-il en souriant. Le goût asiatique serait-il plus salé que sucré ? « C'est surtout une question de durée de vie en dessous d'un an ils n'en veulent pas il faut dire que le trajet en bateau dure déjà un mois, plus le dédouanement et la distribution... » La gaufre sucrée affiche une date de péremption dans les huit à dix semaines. Celles qui sortaient du four devaient être dégustées avant le 17 août.
Dans une salle voisine, place au silence. Laurent et Alexandre, jeunes pâtissiers de formation, s'appliquent sur la (grosse) poche à douille à la confection des meringues. Bien blanches et toutes dodues, légèrement torsadées, elles aussi rappellent bien des gourmandises enfantines. Un four traditionnel les attend : « Elles ne cuisent pas, elles sèchent », précise Benoît Rousseau, qui a gardé cette ancienne spécialité de la maison, avec les palets de dame et les rochers à la noix de coco, quand il a repris la Pâtisserie des Flandres, très mal en point, en 1997. C'est un peu une image pâtissière traditionnelle qui sert sa marque, largement vendue dans la grande distribution régionale et même un peu au-delà du Nord - Pas-de-Calais.
« Un bon produit, c'est l'essentiel. Sinon les gens n'y reviennent pas. Et puis diversifier et innover », transmet cet ancien étudiant de l'École supérieure de commerce de Lille. Aux gaufrettes salées qu'il a enrichies de sel de Guérande et d'olive, il a ajouté des petits biscuits croustillants à la saveur de caramel. « Un produit de grignotage », nous avait-il dit lors d'une précédente visite.
Alors qu'on s'inquiétait qu'il encourageât cette manie adolescente, il nous avait rétorqué dans un sourire : « Attendez, on prépare une nouveauté. » Et cette fois, il nous annonce pour la fin de l'été un petit dernier imaginé avec l'Adrianor et l'Institut Pasteur, un gage de qualités nutritionnelles. Chut ! •
Article publié dans le journal de notre région